Des élèves de l’École polyvalente Saint-Jérôme en mission humanitaire à Saint-Louis, au Sénégal : Récit du voyage d’une vie

« Lors de notre départ, d’une tristesse infinie d’ailleurs, j’ai été émue par la reconnaissance des jeunes Talibés, par leur sourire. Ils avaient préparé une chanson à notre égard », se souvient Daphné Deschambault, une élève de cinquième secondaire du programme d’éducation intermédiaire (PEI) de l’École polyvalente Saint-Jérôme.

19 mai 2018. Une vingtaine d’élèves et deux enseignants, Alain Dionne et Isabelle Levert, prennent un vol vers les confins de la Terre : Saint-Louis, Sénégal. Une ville pauvre surpeuplée où l’on trouve de Talibés entassés dans des Daaras (nom donné aux écoles coraniques). Un Talibé est un jeune garçon, issu d’une famille pauvre, qui a été confié à un maître coranique (un marabout) et qui s’évertue à parfaire ses connaissances religieuses. « N’y cherchez pas de filles, affirme Geneviève Bédard, une autre participante, c’est l’inégalité totale entre les sexes au Sénégal. Les filles n’ont pas la chance d’étudier. »

Le destin des Talibés peut être tragique. « Il suffit de tomber sur un mauvais marabout », lance Émile Éthier, tout de même fier de son expérience qui l’a mené à construire un plancher de béton dans un Daara. En effet, ces enfants naïfs, dans un état de servitude, devront trop souvent mendier et s’occuper des tâches domestiques pour permettre à leur maître religieux et à sa famille de bien vivre. Insalubrité, malpropreté, pauvreté, maladie, malnutrition; tant de difficultés que vivent ces garçons sans jamais qu’elles entament leur sourire proverbial, leur soif de découvertes et leur foi en l’existence.

C’est là que le Book Humanitaire, un organisme à but non lucratif, dont la vocation est d’aider les pauvres, apporte une embellie.

Le choc des cultures
Aider, vouloir partager ses connaissances, son humanité, est une chose. Le faire dans des conditions où la réalité diverge de nos repères culturels en est une autre. « Des enfants se battent pour la nourriture, nous on la jette », se désole Geneviève. « Quand j’ai réalisé que ce n’est pas tous les enfants qui allaient avoir des vivres que nous leur donnions, ça m’a chamboulée », renchérit Daphné.

Des enfants qui tendent les mains, qui veulent se sustenter, pris dans la privation imposée par le Ramadan, un rite musulman. Cette réalité a ouvert les yeux à nos élèves. Ils se sont sentis choyés et privilégiés. « Les jeunes Talibés sont heureux et reconnaissants envers la vie ; nous, on a tout, on est matérialiste et insatisfait. Ça m’a changé. D’ailleurs, j’ai hâte de repartir pour un autre voyage », explique Justine Ouellet, les yeux scintillants.

Quand dans un pays on évalue la richesse d’un homme au nombre de chèvres qu’il détient, il est évident que c’est surprenant. Quand le nombre d’antennes de télévision sur une maison sénégalaise indique le nombre de femmes qu’un homme polygame a épousé, le choc des valeurs est total. Nos élèves, dont Émile, ont modifié leurs habitudes.

« Dans ce contexte, en voyant la pauvreté, j’ai réalisé que je préférais donner plutôt que recevoir, surtout à ceux qui sont plus pauvres. Depuis mon voyage, je suis plus sensible à la misère des autres, aux itinérants aussi. Je finis même mes repas! » s’exclame-t-il, songeur.

Des tâches multiples
Organisées par le Book Humanitaire, plusieurs tâches ont permis aux élèves de développer des compétences. À la Maison de la Gare, un lieu doté d’une infirmerie, certains élèves se sont initiés aux soins de santé. « J’ai appris à faire des bandages, à laver et à désinfecter des plaies et à prendre la pression », raconte Geneviève Bédard alors que l’une de ses comparses ajoute que certains jeunes enfants demandent des soins seulement par besoin de réconfort.

D’autres élèves ont aidé à agrémenter les lieux en coloriant une superbe muraille ou à faire un jardin dans des pneus inutilisés. « J’ai aimé le contact avec les enfants dans ces contextes-là », souligne Justine.

Mais au-delà de tous ces souvenirs impérissables, subsistera un doute, celui des regards nécessiteux, celui de l’impuissance face à une société dont l’organisation nous échappe. À travers tout cela, la sagesse d’Émile offre un éclaircissement. « Le bonheur, les Talibés le voient dans toutes les petites choses », philosophe-t-il en comparant notre attitude à la leur.

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